Musique – Albums contemporains

Flog

Kadhja Bonet, California Holiday (2022)

Tracklist: 1) California Holiday 2) Little Christmas Tree 3) Someday at Christmas 4) Wonderful Christmas Time 5) It's Christmas time 6) Keep Christmas With You

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Vu la période des fêtes, j'ai pensé que c'était le moment idéal pour parler de l'album California Holiday de Khadja Bonet ! Parlons-en d'ailleurs : mais qu'a-t-il donc bien pu se passer dans la tête de Khadja Bonet ? Un album de Noël avec 4 reprises sur les 6 pistes de l'album ??? Pour de l'inattendu, c'est effectivement inattendu, mais avait-on vraiment besoin de cela ?

L'album s'ouvre sur un bon augure, California Holiday, titre original sur lequel on retrouve le style typique de Khadja Bonet. Mais à mon grand dam, le reste de l'album n'est principalement constitué que de reprises sur lesquelles on oscillera du très “cheesy„ au carrément offensif.

La crise glycémique débute avec Little Christmas Tree, et dès Someday At Christmas l'écœurement est total tant le niveau de sucre auditif atteint des seuils dangereusement élevés. À tel point qu'il m'est viscéralement difficile de supporter la chanson jusqu'au bout.

Le problème de ces reprises c'est qu'elles ne sont décidément pas taillées pour Kadhja. Premièrement, elles ne sont pas du tout flatteuse pour sa voix qui est d'habitude si géniale. Il suffit d'écouter la version des Jackson Five de Little Christmas Tree pour se rendre compte à quel point la version de Kadhja Bonet souffre de la comparaison. Ensuite, au niveau des arrangements sur lesquels elle excellait sur ses albums précédents, ici les reprises nous sont simplement livrées avec la plus plate platitude.

La seule reprise que je prends un peu de plaisir à écouter est Wonderful Christmas Time de Paul McCartney dont j'aime l'idée d'apporter une sonorité lo-fi au titre. Je dis « un peu » parce que le plaisir est gâché par un claviériste qui semblait à moitié bourré durant l'enregistrement : qu'est-ce que c'est que ce clavier immonde sur les Ding dong ding dong en milieu de chanson ??? Et je ne vous parlerai même pas du piano électrique qui bave sur Keep Christmas With You, ni même d'ailleurs du reste de la chanson qui sent tout autant le sapin (celui qu'on met dans les voitures qui sentent mauvais).

L'autre composition de l'album est It's Christmas Time. Surtout basée sur des vocalises, l'introduction de la chanson me conforte dans l'idée que Kadhja Bonet ferait un super duo avec Fleet Foxes. C'est en fait la seule chanson de l'album que je trouve appropriée, et celle-ci nous donne un bref aperçu de ce qu'aurait pu être un bon album de Noël de la part de Kadhja Bonet si elle avait pris la peine de composer quelques chansons. (D'après cet article il s'agirait d'une reprise de Status Quo... Merci Radiofrance mais je pense qu'il est temps de faire une cagnotte de Noël pour que monsieur Schnee aille consulter un ORL.)

En conclusion California Holiday ressemble plus à un sell-out à l'américaine surfant sur la vague de Noël qu'à une réelle proposition musicale. Dommage pour cette glissade de Khadja Bonet qui signait jusque-là un sans faute avec ses deux premiers albums.

Score : 3 / 10   (Plain bad – Worst album)

1 point pour California Holiday, 1 point pour It's Christmas Time et 1 point pour remercier Kadhja de ne pas avoir enregistré plus de 6 chansons !

Buttering Trio, Foursome (2022)

Tracklist: 1) Good Company 2) Come Hither 3) See If It Fits 4) Move In 5) Desert Dream Romance 6) When I Face Your Beauty 7) Air In Rest 8) Keep It Simple 9) Don't Book Me 10) Succulent For Valentine 11) Close To You 12) Dancing With Insomnia

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On y revient pour Buttering Trio avec un quatrième album, et quel album ! Foursome est l'album qui m'a fait découvrir le groupe, et maintenant que je connais mieux leurs trois premiers albums, je suis assez impressionné du parcours réalisé par le trio : la première fois que j'ai été exposé à Buttering Trio, j'aurais parié que KerenDun venait du monde du jazz, et non pas de l'électronique que l'on retrouve sur leurs premiers albums. Foursome est un album que je qualifierais de plus mature et de plus unifié, en contrepartie de quoi nous perdons un peu de la diversité qui était présente sur Threesome. Le son est magnifiquement travaillé, les synthés encore une fois incroyables tout comme la voix de KerenDun, mais l'ambiance est cette fois bien plus éthérée.

C'est donc Good Company qui ouvre le bal avec un vamp de synthé élémentaire mais tellement efficace. Le morceau est lent et répétitif, mais là où un autre groupe aboutirait simplement à un morceau générique, Buttering Trio fait naître une pépite. Si simple et si bon, c'est là toute la génialité du groupe sur cet album qui se poursuit d'ailleurs sur Come Hither, qui après plusieurs écoutes reste un de mes favoris. Il y a quelque chose d'irrésistible dans ce mélange de synthé lancinant, de ligne de basse soutenante et la voix aventurière de KerenDun.

Album de Buttering Trio oblige, nous aurons de nouveau droit à une chanson aux sonorités plus arabisantes avec When I Face Your Beauty. (Ce n'est pas là où je les préfère, mais ça s'apprécie tout de même.) Au niveau expérimental, c'est cette fois Air In Rest qui remporte la palme, également un titre phare de l'album. (La mélodie du couplet me rappelle quelque chose, mais impossible de mettre le doigt dessus !) Et bien sûr Don't Book Me, un autre sommet avec son riff bâtit sur une descente chromatique, et son exquis saxophone. Et une fois de plus l'album se conclut avec Dancing With Insomnia sur quelque chose d'assez différent du reste de l'album.

Enfin que ce soit sur Come Hither, Move In, Don't Book Me ou encore Succulent for Valentine, il est vraiment rafraîchissant d'avoir des textes qui se démarquent de toute la soupe générique et machiste que nous avons l'habitude d'entendre.

Score : 10 / 10   (Immaculately ideal – Best album)

Mature, atmosphérique et cohérent, un album excellent de long en large sans aucun filler en vue. Le meilleur album d'un des meilleurs groupes contemporains. À écouter absolument.

Say She She, Prism (2022)

Tracklist: 1) Prism 2) Don't wait 3) Pink Roses 4) Same Things 5) Fortune Teller 6) Apple Of My Eye 7) Believe 8) Better Man

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Aujourd'hui je vais vous présenter un petit album bien sympathique, à savoir Prism du groupe Say She She. Il s'agit du premier album de ce vocal trio féminin dont le nom est un hommage au groupe Chic, groupe dont le trio s'inspire particulièrement. Comme par exemple sur le morceau C'est Si Bon de leur second album où est repris le gimmick des petites phrases françaises en paréchèse.

Petite anecdote : la première fois que j'ai regardé un live de Say She She, j'ai été frappé par la chanteuse Piya Malik dont le visage m'était familier... Et en effet c'est bien elle que j'avais vu sur live d'un autre groupe où l'on retrouve également plusieurs chanteuses aux manettes : 79.5, dont je vous recommande d'ailleurs l'album Predictions !

Le disque s'ouvre avec la plage titulaire, et la meilleure de l'album à mon goût, Prism où l'on retrouve un bon groove et une chouette mélodie. La mélodie du couplet m'amuse beaucoup car elle me rappelle la chanson enfantine Arlequin dans sa boutique (« Oui monsieur Po / Oui monsieur Li / Oui monsieur Chi / Oui monsieur Nel / Oui monsieur Po-li-chi-nel »). En passant, le clip de la chanson est superbement psychédélique.

On continue avec Don't Wait, une ballade plus classique mais très appréciable, mon moment préféré étant sans doute le pré-refrain (« Come the morning Light / We have to say goodbye »). Et l'on aura même droit à un petit canon (« And I wonder what she's thinking »). Au niveau de l'instrumentation on retrouve les sonorités typiques des ambiances disco feutrées : flûte, saxophone, wah-wah, piano électrique.

Pink Roses me fait penser à une bulle de chewing-gum rose : très pop tout en restant funk, mais un peu artificiel aussi, à la limite du bon goût. Enfin, j'aime bien le petit solo de synthé.

Pas grand-chose à dire sur Same Things, très générique et complètement immémorable. Fortune Teller se distingue par son petit riff de piano qui fait entendre une seconde mineure, mais reste assez classique par ailleurs. Et c'est malheureusement également mon verdict sur les trois dernières chansons, qui sentent toutes le réchauffé, si ce n'est que la soupe est un peu différente sur Better Man.

Score : 5,5 / 10   (Good, but flawed)

Un album moyen mais sympathique.

Kit Sebastian, Melodi (2021)

Tracklist: 1) Yalvarma 2) Agitate 3) Yeter 4) Melodi (Pt 1) 5) Melodi (Pt 2) 6) Elegy For Love 7) Affet Beni 8) Inertia 9) Ahenk 10) Please Don't Take This Badly

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Melodi est le second album de Kit Sebastian, un duo aux sonorités rétro et avec la spécificité que la plupart des chansons sont chantées en turc ! Langue à laquelle je ne suis musicalement pas du tout habituée, c'est donc un plaisir de la découvrir ici avec un style rappelant les chansons psychédéliques des années 60, aspect psychédélique encore accentué par les sonorités orientales. Mais à l'écoute, l'autre composante qui se démarque pour moi nettement est celle de la chanson française qui semble imprégner l'album de long en large. En voilà un salmigondis musical réussi !

L'album s'amorce par le riff irrésistible de Yalvarma où s'entremêlent guitare et piano. On remarquera d'emblée la prise de son old school qui crée immédiatement cette ambiance rétro. Le chant se marie à merveille avec le reste de la chanson, accompagné par ces accords frappés au piano.

S'ensuivent Agitate et Yeter, deux morceaux représentant bien le style auquel nous venons d'être introduits. L'autre point marquant de l'album est la plage titulaire Melodi décomposée en deux parties. Tandis que la première débute sur un rythme lent, la deuxième fait monter d'un cran l'énergie et nous dévoile des mélodies lancinantes.

Vient après Elegy For Love et ses couplets monologués sur une progression qui rappelle furieusement Baudelaire de Gainsbourg. Mais l'on bascule bien vite sur une mélodie très pop (An elegy for love !), suivie de quelques lignes mélancoliques (A dim light on my face, my mind covered in flames).

Nous avons encore Affet Beni sans doute le morceau le plus psychédélique de l'album avec des sonorités qui me rappellent le mouvement brésilien Tropicalia. Ainsi qu'Inertia et ses vocalises qui me plaisent énormément. Ahenk qui n'est pas mal non plus dans le genre trip psychédélique. Et pour finir sur une note plus légère, l'album se conclut sur Please Don't Take This Badly, une ballade guitaristique un peu mièvre.

Score : 7 / 10   (Just very good)

J.Lamotta, Suzume (2019)

Tracklist: 1) If You Wanna 2) Shake It 3) Back in Town 4) Shine 5) Wheres The Sun In Berlin 6) Deal With It II 7) Turning 8) Free The Jazz 9) Shugah Boi 10) Thats What I Call (Freedom) 11) Free The Jazz (Instrumental)

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Parmi les albums que j'ai découvert cette année, s'il y en a qui m'a particulièrement marqué, c'est bien Suzume de J.Lamotta. Il s'agit du second album de l'artiste, qui fait suite à Conscious Tree sorti en 2017. Si J.Lamotta avait pris ses marques avec son premier album, on sent qu'avec Suzume, qui en constitue le prolongement et le perfectionnement, celle-ci a atteint une belle maturité musicale dans un style très maîtrisé mariant jazz, neo-soul et R&B, et parsemé de mélodies addictives.

L'album s'ouvre avec If You Wanna, un morceau radieux rythmé par la voix envoûtante de J.Lamotta. Au niveau des instruments on notera l'orchestration (principalement des cuivres) qui caractérise cet album, ainsi que le piano électrique, également omniprésent. L'autre point fort de l'album est la chanson Turning avec son refrain mémorable: Don't forget yourself / You're not something else. Dans mes préférées de l'album, il y également Back in Town aux accents plus sombres, avec des percussions très présentes, et un passage de trompette qui me fait penser à Matthew Halsall.

Parmi les morceaux qui sortent du lot, on retrouve Where's the Sun in Berlin avec ses airs très accrocheurs. That's What I Call (Freedom) où nous retrouvons un peu de la luminosité sur laquelle s'ouvrait l'album. Et enfin Free the Jazz où le rap s'invite le temps d'un morceau pour le plus grand plaisir de nos oreilles.

Ayant tellement apprécié cet album, j'étais curieux de connaître le reste de la discographie de J.Lamotta. Or, j'ai été surpris par la direction qu'a prise sa carrière. En effet, il semble que Suzume soit un tournant musical pour J.Lamotta, puisque depuis cet album, elle semble délaisser le côté soul-jazz au profit du R&B, et se tourne vers une musique et une image plus commerciales. (Parmi ses dernières productions musicales on trouve notamment un morceau reggaeton en hébreux ne lésinant pas sur l'autotune.) Il est d'ailleurs intéressant de remarquer la rupture entre la pochette de Suzume, au portrait solaire et candide, et la pochette de Brand New Choice (2020), où elle se manifeste plus comme une femme forte (dixit ma copine). Le choix de titre, Brand New Choice, est d'ailleurs explicite.

J.Lamotta évolue donc, et il semble donc que Suzume soit destiné à rester une expérience unique dans sa carrière. Si j'aurais préféré entendre plus de cet incroyable style qu'elle avait ici trouvé, au moins ne tombe-t-elle pas dans le piège facile de resservir la même formule éprouvée à une audience acquise. (Va-t-elle à la place s'enfermer dans une formule commerciale ? J'espère que non.) Si je ne peux pas malheureusement plus la suivre dans ses aventures musicales, ses productions actuelles étant trop éloignées de mes goûts musicaux, je suis en revanche très curieux de voir quels tournants prendra sa carrière.

Score : 8 / 10   (Simply excellent)

Surprise Chef, All News Is Good news (2019)

Tracklist 1) All News is Good News 2) Herbie Hemphill 3) Blyth Street Nocturne 4) Have You Fed Baby Huey Today 5) Yung Boi Suite 6) Crayfish Caper 7) Flip Shelton 8) Drinking From The Cup Of Bob Knob 9) Mario's Lament

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Des sonorités rétro, une production faite maison qui nous permet d'apprécier toute la granularité des instruments, de superbes mélodies instrumentales et des passages planants, voici quelques mots résumant les australiens de Surprise Chef. All News Is Good News est donc leur premier album et s'ouvre avec la plage titulaire sur une batterie bien marquée, un piano électrique planant et un riff chanté à la guitare. Un silence. Une mélodie au vibraphone qui évoque immédiatement la nostalgie. Reprise du début. Et enfin, le motif principal auquel participent guitare, piano et basse. Wow !

Herbi Hemphill s'annonce ensuite sur un “vamp„ de basse et de guitare, un synthé bourdonnant (qui me fait littéralement l'effet d'un vrombissement de moustique dans les oreilles) s'occupant de la chanterelle. Ce “vamp„ se poursuit jusqu'à ce qu'une flûte surgisse finalement derrière le bourdonnement et nous entraîne dans un rythme lancinant.

Les incantations musicales se poursuivent avec Blyth Street Nocturne où nous retrouvons un son d'orgue très vintage et qui se clôture par des gémissements de synthé à coups de wah-wah. Nous continuons avec les pérégrinations de Have You Fed Baby Huey Today, qui me rappelle l'excellente bande-son d'Alain Goraguer pour le film La Planète Sauvage. Et après une courte respiration nous enchaînons avec Yung Boi Suite, où c'est cette fois un solo de saxophone qui nous accompagne, et une chouette brisure musicale (comme si la bande avait été coupée) en plein morceau.

La première moitié de l'album ayant établi le son signature de Surprise Chef, je trouve que le groupe s'essouffle un peu sur Crayfish Paper : on y recycle des éléments précédents mais avec moins d'inspiration. Et le saxophone a une fâcheuse tendance à rendre le son plus générique.

Heureusement Flip Shelton nous offre une délicieuse mélodie de wah-wah et de jolis accords égrénés. Et sans transition nous nous retrouvons dans l'ambiance feutrée de Drinking From The Cup Of Bob Knob, pour finir sur les lamentations de synthé de Mario's Lament.

Ce qui frappe avec ce groupe instrumental, c'est l'apparente simplicité des morceaux : le but n'est pas ici d'en faire des caisses, mais bien de créer des atmosphères. On appréciera l'équilibre entre les différents instruments au service d'une musique commune. On sent que Surprise Chef a le temps et prend le temps de construire ses différentes idées musicales sur des morceaux qui restent pourtant courts. Nous sommes ainsi naturellement transporté d'un leitmotiv à l'autre au sein d'une chanson, mais également d'un morceau à un autre, l'album présentant une même unité stylistique. Cela crée une sorte d'intemporalité lors de l'écoute, et je trouve cet album (et les albums de Surprise Chef en général) très méditatif. Une cérémonie psychédélique musicale qui, je vous l'avoue, me fait voyager très loin.

Score : 7,5 / 10   (Just very good)

79.5, Predictions (2018)

Tracklist: 1) I Stay, You Stay 2) Wavy 3) Facing East 4) Whisper 5) Boy Don't Be Afraid 6) Predictions 7) Terrorize My Heart 8) Fantasy 9) Fireman 10) Sisters Unarmed 11) You'll Come Back

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Aujourd'hui je vous propose d'examiner l'album Predictions du groupe 79.5, album auquel j'avais déjà fait référence dans ma review du groupe Say She She. Les deux groupes présentent des similitudes, notamment le fait que la base de ces formations repose sur plusieurs chanteuses, ou encore des sonorités communes se situant entre pop, funk et soul. Avec 79.5, l'instrumentation est toutefois nettement plus marquée par les pianos électriques et les synthés jouées par la chanteuse Kate Mattison, et tandis que Say She She privilégie le funk et le disco, c'est ici la soul et même souvent la pop qui prédominent.

Le fleuron de l'album est pour moi la plage introductive, I Stay, You Stay. Une douce introduction vocale, quelques soupirs magiques de piano électrique et de flûte, et le morceau “kick-in„. On notera le chant brisé et répété (And I know in my body / And I know in my body) qui fonctionne très bien.

Wavy est un morceau plus pop, assez répétitif dans sa structure si ce n'est un peu de saxophone ci et là, mais qui reste appréciable. Un petit côté jazz qui se poursuit sur Facing East, avec une composition assez similaire à la précédente, avant de poursuivre avec Whisper, une courte ballade bâtie sur des arpèges de piano.

Avec Boy Don't Be Afraid on est carrément dans un titre pop ! On retrouve un très chouette pré-refrain qui tricote un peu (Every since I saw your smiling face / My heart did race / For you my baby boy), un beau contraste d'ambiance entre le refrain et le « solo » de piano électrique et solo de flûte, ainsi qu'une nouvelle utilisation de ce chant brisé (Boy don't / Boy don't) qui est définitivement le gimmick de 79.5. Je savoure aussi l'aspect brut de l'enregistrement qui évite judicieusement de tomber dans le cliché des sonorités trop édulcorées et lisses des productions commerciales modernes.

Et ça y est, la ballade est véritablement là avec Predictions... cependant la mayonnaise émouvante ne prend pas avec moi, le moment que j'apprécie le plus étant l'instrumental de piano électrique feutré et de flûte.

Jolie anticipation sur Terrorize My Heart où nous avons l'impression que le premier Terrorize my heart devrait décoller, mais s'éteint aussitôt. Alors qu'au deuxième Terrorize my heart l'envol attendu est enfin là. On constatera avec le pont de batterie qu'encore une fois les parties instrumentales sont très simples.

Fireman démarre sur une note très expérimentale et franchement étonnante... avant de virer à 180° vers un refrain complètement standard et tiède. L'expérimentation continue sur Sisters Unarmed, où malheureusement la musique est reléguée au second plan par le concept de la chanson, et sonne donc plutôt comme une excuse pour faire passer un message. Et on finit dans les choux-frisés du mauvais goût avec You'll Come Back. Si j'avais su j'aurais plus profiter de Fantasy, la dernière piste mignonne de l'album.

Score : 6 / 10   (Good, but flawed)

Kadhja Bonet, Childqueen (2018)

Tracklist : 1) Procession 2) Childqueen 3) Another Time Lover 4) Delphine 5) Thoughts Around Tea 6) Joy 7) Wings 8) Mother Maybe 9) Second Wind 10) ...

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Second album de la talentueuse artiste américaine Kadhja Bonet, Childqueen, avec sa synthèse des genres, son style unique et ses sons de synthétiseur modernes, est pour moi un excellent exemple d'album actuel qui pourrait plaire à des audiences appréciant les albums concepts des années 70. Multi-instrumentiste jouant de la guitare, du violon, de la flûte, et qui a en plus une voix superbe, Kadhja nous livre en effet ici un véritable manifeste artistique.

L'album s'amorce avec Procession qui porte bien son nom avec son rythme militaire et son mantra répété (Oh, every morning brings a chance to renew / Chance to renew), ses psalmodies et ses vocalises. Quand soudain, au milieu du morceau un pont mené par une flûte nous surprend : on a tout d'un coup l'impression d'écouter un groupe de rock progressif ! (C'est d'ailleurs ce que je me suis écrié la première fois que j'ai été exposé à la musique de Kadhja Bonet: Mais c'est du rock progressif en fait !?!).

Sur Childqueen, la plage titulaire de l'album, je remarque de prime abord la similarité d'arrangement avec le morceau I'm Every Woman de Chaka Khan, les notes de la ligne de violon de Kadhja Bonet correspondant d'ailleurs au lick de piano de Chaka Khan (Do Mi♭ Si♭ Sol) :

Mais dès que le chant démarre, c'est cette fois à Gentle Giant que je pense, propulsé de nouveau dans le rock progressif avec cette mélodie intrigante. Le parallèle déconcertant avec Gentle Giant se poursuit d'ailleurs avec le début de Another Time Lover que je qualifierais de médiéval. C'est ça qui est génial avec Kadhja Bonet : ce n'est pas du rock progressif même si ça en reprend certains codes, ce n'est pas de la soul même si le chant s'en rapproche, et ce n'est pas non plus du disco même si les arrangements y font penser. Non c'est un univers unique, véritable mélange de genres, de sonorités et de mélodies très travaillées. Pour revenir à Another Time Lover, la suite de la piste est tout simplement vampirisante, avec une autre mélodie brillamment construite qui donne la réplique aux instruments lors du couplet.

Sur Delphine nous retrouvons cette fois le côté plus tragique de Kadhja, que nous avions déjà cotoyé sur son premier album The Visitor avec la chanson Fairweather Friend. Le style dramatique a été ici encore plus accentuée, avec un rythme plus lent, une orchestration plus spacieuse ainsi que des mélopées à vous donner la chair poule (You know I've always been the first to try / Something new for you and me). On notera par ailleurs le somptueux effet de délai appliqué à la caisse claire.

Thoughts around tea démarre sur de délicieuses lignes de synthé que vient bientôt rejoindre la voix de Kadhja. Encore une fois la mélodicité du refrain nous emporte (She thought of him everyday), tandis que les paroles se concluent sur une note amère. Joie, où vas-tu ? interroge Joy, une chanson qui aurait tout à fait sa place sur l'album éponyme de Fleet Foxes (je pense en particulier à la chanson Heard Them Stirring). Encore une fois je relève l'orchestration caractéristique la fin des années 70, qu'évoque immédiatement le violon (je pense par exemple à I'm Wishing On A Star de Rose Royce).

En écoutant Wings je prends d'ailleurs conscience de cette cohérence stylistique de l'album, tant les différentes pistes semblent se répondre. Comme par exemple le riff de Mother Maybe qui semble être l'évolution naturelle du riff de Another Time Lover. Cela donne un côté très conceptuel à l'album.

À l'écoute de cet album, on perçoit l'immense bagage musical que Kadhja Bonet porte avec elle. Je salue en particulier l'attention portée à la production, à la texture et aux détails sonores, qui est généralement un bel indicateur de talent : des bruits d'oiseaux sur Childqueen, aux arpégiateurs et bruits de bulles sur Another Time Lover, l'album grouille de fragments musicaux qui récompenseront les oreilles les plus attentives.

En somme, Kadhja Bonet est une artiste avec une vraie vision musicale, et Childqueen nous démontre comment une telle vision peut être concrétisée avec brio.

Score : 8,5 / 10   (Simply excellent)

Parcels, Parcels (2018)

Tracklist: 1) Comedown 2) Lightenup 3) Withorwithout 4) Tape 5) Everyroad 6) Yourfault 7) Closetowhy 8) IknowhowIfeel 9) Exotica 10) Tieduprightnow 11) Bemyself 12) Credits Album cover

Ah Parcels ! Ma dernière découverte musicale en date et quelle chouette découverte ! À ma première écoute ça n'avait pas l'air de casser trois pattes à un canard, probablement à cause du style disco-funk complètement redondant d'une chanson à l'autre. Mais plus je l'écoute et plus je l'apprécie, l'album étant truffé de “catchy melodies„ pour lesquelles j'ai tant d'appétence. Derrière cette impression initiale d'uniformité, je me rends maintenant compte que toutes les chansons de Comedown à Tieduprightnow sont mémorables.

C'est un complet hasard si je suis tombé sur cet album puisque c'est alors que je moletais (action d'utiliser la molette de sa souris) sur Youtube que la pochette de l'album m'a tapé dans l'œil. L'image du groupe est en effet une première chose qui frappe avec leur style rétro rappelant les années 70, et même un bassiste qui a un petit air de Robert Plant. Au niveau des instruments, il s'agit d'un quintette: Anatole Serret à la batterie, Noah Hill à la basse, Jules Crommelin à la moustache et à la guitare, Louie Swain au clavier et Patrick Hetherington jouant tantôt du clavier, tantôt de la guitare. de Le chant est quant à lui partagé, principalement entre Jules, Noah et Patrick (la voix intime de Yourfault) d'après ce que j'ai pu voir des live.

L'album s'ouvre en force avec Comedown, un morceau bien funky qui se prolonge avec Lightenup. Nous découvrons ici le style-type de Parcels : de long instrumentaux qui donnent furieusement envie de danser, entrecoupés de mélodies chantées en chœur qui vous collent au cerveau (Come down, come down, come down, ou encore Time to lighten up / I don't plan to / I don't plan to). Alors que j'écoute Withorwithout, je me rends compte que ce qu'il y a de si particulier avec le chant chez Parcels c'est qu'on n'a pas l'impression d'entendre des couplets et des refrains mais plutôt des incantations (avec ici With or without you répété quatre fois). Puis en écoutant Tape je me dis qu'il est décidément bien difficile de trouver un moment qui ne soit pas mélodique et entraînant dans cet album !

Morceau le plus long de l'album avec ses 8 minutes 36, Everyroad s'ouvre avec des extraits parlés ésotériques. Derrière, un superbe riff de piano électrique qui s'édifie de plus en plus, et représente bien pour moi le son classique Parcels. Après une transition et une partie calme chantée (qui me convainc moins), le texte intriguant se termine sur une note amère (But that's a lie / You actually believe that you have the formula, no / And then you see that it is all wrong / Afraid I might become a stranger / And you'd just be trapped with yourself /Everything falls apart), et la musique répond par une “growling bass„, le son typique de la dubstep. (Qu'il est pour moi difficile d'apprécier. Je n'aime PAS la dubstep.)

Il est temps de se reposer un peu avec Yourfault, une ballade construite sur une progression sucée et resucée (I-VI-II-V). Difficile de se rater avec de tels accords, ce qui permet à Parcels de nous offrir une petite perle. L'ambiance d'un jour de plage est donnée dès le début avec les bruits de vagues et sous-tendue par le son de vibraphone. C'est à ce moment de l'album que nous avons l'occasion de découvrir la voix de Patrick mise au premier plan, dont l'ingénuité me touche. J'aime également beaucoup le premier couplet de la chanson (I, I built a wall / I built it up when I was young / I, I didn't know / How could I know I built it up?) mais déplore en revanche la puérilité de la coda (It's your fault).

C'est au tour de Closetowhy. L'ouverture m'amuse beaucoup car elle me fait penser à une bande-son de jeu vidéo (du genre Croc ou Blinx dans un niveau enneigé). C'est aussi une de mes préférées de l'album avec son “build-up„ irrésistible du couplet au refrain. La qualité de l'album ne se tarit pas sur la longueur, puisque l'on poursuit avec IknowhowIfeel, toujours aussi mélodique et qu'on imaginerait passer sur une radio mainstream avec une production plus électronique.

Exotica, qui juste après l'introduction fredonnée, fait immédiatement penser à du Fleetwood Mac (la ressemblance avec Dreams est telle que je pourrais l'ajouter à ma liste de chansons similaires). Mais même ici Parcels se rattrape avec un refrain idiosyncratique. On notera d'ailleurs les quelques mots en français de ce refrain (Oh mon amour / When you walk out the door). Et ce n'est pas tout avec Fleetwood Mac, puisque c'est maintenant au tour de Tieduprightnow d'emprunter ses accents à Chic et Nile Rodgers ! (Pour les amateurs du genre « Chic », je vous conseille le groupe Say She She qui en a fait sa marque de fabrique.) À part ça, pas grand-chose à dire sur Bemyself, nettement plus générique, ni sur les crédits qui ne présentent aucun intérêt.

Bref, encore un groupe australien (tout comme Surprise Chef), et encore un groupe basé à Berlin (décidément !), à suivre de près !

Score : 9 / 10   (Close to perfection)

Moonchild, Voyager (2017)

Tracklist: 1) Voyager (Intro) 2) Cure 3) 6am 4) Every Part (For Linda) 5) Hideaway 6) The List 7) Doors Closing 8) Run away 9) Think Back 10) Now and Then 11) Change Your Mind 12) Show the Way 13) Let You Go

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J'ai longtemps hésité avant de me lancer dans cette review de Moonchild. En effet, si les musiciens du groupe sont compétents et leurs albums écoutables, je trouve leurs différentes chansons très monotones. Cependant, je trouve que leur musique fait une bonne musique d'ambiance, et c'est par conséquent plutôt sous cette casquette que je voulais vous les faire découvrir. Et aussi parce qu'ils représentent assez bien certaines sonorités contemporaines.

Moonchild est donc un trio originaire de Los Angeles dont on remarque tout d'abord la frontwoman, Amber Navran, au chant mais qui joue aussi du saxophone et de la flûte. On aperçoit ensuite les deux loustics, Max Bryk et Andris Mattson, aux claviers mais qui jouent également du saxophone, de la guitare, de la flûte, etc. Bref tous des multi-instrumentistes.

Au niveau musical, le style de Moonchild est une neo soul soft, très soft, peut-être trop soft. Leurs albums sont par ailleurs marqués par les sonorités très distinctives des claviers de la marque Korg, qui nous accueillent dès Voyager (Intro).

L'attraction principale de l'album est la chanson The List. Une introduction jazzy de piano, une progression à la chromatique descendante durant les couplets, et un refrain mémorable caractérisé par un claudiquement de basse. L'autre point d'intérêt étant pour la piste Cure avec son refrain “catchy„. Et peut-être également aussi la chanson Think Back, avec son petit côté Hiatus Kaiyote.

Et puis il y a le reste... qui représente dans ma mémoire une masse informe de chansons interchangeables et oubliables. La plupart des morceaux surfent entre l'atmosphérique et les rythmes “bouncy„, et les claviers retiennent souvent mon attention, mais malheureusement cela ne suffit pas à pallier le plus grand défaut de Moonchild: leur monotonie. Une fois que l'on a écouté une de leur chanson, on a l'impression de les avoir toutes entendues. Moonchild manque de tranchant (d'un “edge„ comme disent les anglophones), et cette absence de rugosité fait que les chansons ne m'accrochent pas.

Discographie: Si Voyager est votre tasse de thé, je vous conseille la suite directe, l'album Little Ghost (2019), le seul autre de leur discographie que je prends un peu de plaisir à écouter de temps à autre. Au niveau de la discographie, je n'entends pas une grande évolution musicale depuis leur premier album Be Free (2012). C'est même plutôt l'inverse puisque je trouve leur dernière sortie Starfruit (2022) totalement insipide. Paysage complètement dépourvu de relief, nous n'avons ici absolument plus aucun morceau mémorable, et cette uniformité dilue encore davantage leur discographie dont il me serait bien impossible de distinguer un morceau quelconque d'un autre.

En conclusion, Moonchild est pour moi l'exemple typique de musiciens très compétents mais produisant de la musique un peu ennuyante.

Score : 6 / 10   (Good, but flawed)

Buttering Trio, Threesome (2016)

Tracklist: 1) Love In Music 2) Refugee Song 3) Star Shroom 4) Unexperienced 5) Ana Bhebak 6) Wait 7) Dig Deep 8) From The Tree 9) Dreaming Of India 10) I'll Be Fine 11) The Runner

Album cover

Le temps est venu de vous parler de mon groupe contemporain préféré, Buttering Trio. Trio israélien composé de Rejoicer aux claviers, Beno Hendler à la basse et Keren Dun au chant, mais qui jouent également d'autres instruments, comme le saxophone ou le synthé. Mentionnons déjà la voix envoûtante et maîtrisée de Keren Dun, avec un magnifique registre grave qui laisse pressentir une formation jazz. Ainsi que le fantastique travail sur les synthés de Rejoicer, avec des sonorités très modernes qui raviront tous les amateurs de musique électronique. Je vous recommande d'ailleurs de jeter une oreille à ses albums solos, dont notamment Energy Dreams (2018), sur lequel on retrouve bien l'atmosphère de Buttering Trio. Je connais moins les projets de Beno Hendler, mais un rapide coup d'œil à sa discographie semble suggérer que lui aussi a de l'expérience avec la musique électronique.

Buttering Trio c'est donc trois excellents musiciens par ailleurs aguerris à la production électronique. Le ton est donné dès Love In Music, avec cette nappe de synthé sur laquelle se pose une ligne de violon, une basse bien marquée, la voix sensuelle de Keren Dun et du saxophone dans les refrains pour donner un côté jazzy. Résultat ? Un cocktail musical unique.

Cet album contient également mon morceau favori de toute la discographie de Buttering Trio : Unexperienced. Sa ligne de clavier est simple mais divine avec de jolies harmonies d'accords de septième, et la voix sans artifices de Keren Dun fonctionne à la perfection, un summum musical étant atteint avec les parties en vocalise. On trouve également sur ce morceau différents bruitages de fond qui me penser au type d'atmosphère que l'on peut trouver sur Anima Latina de Lucio Battisti. Et même pour finir en beauté, un “walking„ synthé.

Quant à ma seconde favorite de l'album, il s'agit de Dig Deep avec son ambiance vaporeuse et relaxée.

Refugee Song est probablement la chanson la plus expérimentale de l'album avec sa ligne vocale frappadingue que l'on dirait tout droit sortie d'un album de Frank Zappa (moi ça me fait inmanquablement penser à Inca Roads !). Et malgré cette expérimentalité, le morceau reste splendidement mélodique. En fin de morceau, nous aurons même droit pour notre plus grand plaisir à Keren Dun qui force dans un registre plus aigu. J'apprécie beaucoup cette facette du groupe qui ne se prend pas trop au sérieux et ose par conséquent des choses incongrues (il suffit pour s'en rendre compte de voir le clip de leur chanson Little Goat). Cette dimension facétieuse se retrouve également dans la première partie de Wait avec son instrumentation cahotante, tandis que la deuxième partie nous emmène dans une marche fastueuse de synthétiseurs.

J'apprécie également The Runner qui clôt l'album dans un registre électronique bien différent du reste de l'album avec une piste instrumentale qui s'inviterait sans soucis sur un album d'IDM.

Passons maintenant aux morceaux plus classiques. Star Shroom dans un registre plus lent mais dont le refrain hanté se démarque. From The Tree construit autour d'un seul beat répété. I'll Be Fine, très générique mais sauvé de justesse de la complète banalité par son refrain.

Que reste-t-il ? Ana Bhebak qui ne me fait ni chaud ni froid. Je ne suis en général pas très friand d'ambiances orientalisantes, et je la vois donc plutôt comme une petite pause musicale au sein de l'album avant de reprendre les choses sérieuses. En revanche avec Dreaming of India que l'on trouve plus loin dans l'album, on tombe carrément dans le “filler„.

C'était donc Threesome, le troisième de la discographie de Buttering Trio, et mon préféré de par sa diversité musicale.

Score : 8,5 / 10   (Simply excellent – Quintessential album)